lundi 21 octobre 2013

FOREST POOKY - KEPI GHOULIE [USA] - CORENTIN @ LE FIACRE, BORDEAUX, 21/10/2013

J’ai grandi dans une petite ville assez moisie. Annonay, que ça s’appelle. C’est la commune la plus « peuplée » d’Ardèche. Patrice Leconte a jadis tourné un film là-bas, « l’Homme du Train », avec Johnny Hallyday et Jean Rochefort (éwi) ; au cours d’un making-of, il a expliqué qu’il avait choisi cet endroit pour « ses rues sombres et sales ». Voilà, c’est là où j’ai passé mes seize premières années.

Pendant ce temps, à quinze minutes en voiture de cette riante cité, il était une autre ville. Tassée au creux d’une vallée au fond de laquelle la Lône et le Rhône se rejoignent, figée dans un face-à-face vieux de 223 ans avec l’Isère, se dressait la grande Serrières. Avec son pont suspendu bleu cyan du plus bon goût et sa décoration « joyeux Noël » que la mairie n’a pas une seule fois décroché de mon enfance.

Et en Serrières était une famille, que dis-je, un clan : les Follain. C’est à cette fratrie et à son entourage que l’on doit des projets musicaux comme les Uncommonmenfrommars, les Pookies, les Sons Of Buddha, Annita Babyface & The Tasty Poneys ou encore AG Sugar pour les plus attentifs. Je ne vais pas faire la liste exhaustive des tous les groupes auxquels un Follain a participé non plus, on aurait le temps d’écouter The Decline.

Tout comme je suis souvent heureux qu’un mec né dans le même pays que moi coure plus vite qu’un autre, vous me direz que je dois être fier d’avoir grandit si près ces merveilles sonores? Eh bien, non. Annonay était bien trop nécrosée pour me faire ressentir la moindre once d’appartenance.

Et autres pensées du même goût qui m’accompagnaient au moment de descendre dans la cave du Fiacre, à Bordeaux. On m’a soufflé pour la petite histoire que c’est la salle qui a vu naître la légende de Noir Désir. Ce lundi soir, c’est Forest « Pooky » Follain qui s’offre en spectacle amplifié, accompagné de Kepi Ghoulie et de Corentin. Tout ce petit monde a ramené ses plus belles guitares en bois pour une douce soirée acoustique.

C’est le jeune Corentin et son capodastre qui ouvre. Un peu timide, mais une jolie voix assez atypique et des compos plus que correctes. Ça frôle parfois la varietoche, notamment sur les premiers morceaux du set, mais ça finit toujours pas retomber sur une folk punk mélancolique. Je ne m’ennuie pas et je me rends compte que c’est quand même bien agréable de ne pas avoir de bouchons d’oreilles à un concert, mais que les gens ne se gênent pas pour parler très fort pendant que le lucky guy play. On écoute de la musique, ici, mec, si tu veux discuter de ta dernière cuite tu peux remonter.

Le papy Kepi Ghoulie prend la relève ; fondateur en 1983 des Groovie Ghoulies à Sacramento, CA, il a abreuvé pendant des décennies le monde d’histoire de monstres sur fond de pop punk ramonesque. Reconverti en solo après le breakup de son groupe de toujours, il a aussi notamment enregistré des albums de chanson pour enfants, c’est te dire à quel point le mec est plus cool que toi. Lui et Forest sont en tournée ensemble depuis un certain nombre de dates et ont sorti un petit split pour l’occasion, « Forgetting Things ».

Il est des musiciens qui me font toujours sourire de tout mon ratelier pendant leur set ; Flow, les Apers… et Kepi Ghoulie. Il sue la bonne humeur, et on ne peut faire autrement que se laisser embarquer par cette joie d’être sur scène. On n’est pas Papy Punk Rock pour rien. Après avoir chanté quelques requêtes des premiers rangs, son compagnon de route Forest le rejoint avec sa fantastique guitare pour quelques soucis techniques et morceaux, où un tambourin est confié au public.

Têtes d’affiche de cette soirée débranchée, c’est ensuite au tour du Sieur Pooky et de sa barbe de rester seuls sur scène. Loin d’une folk punk habituelle, l’Ardéchois fait fi des conventions habituelles du genre, notamment au niveau des accords utilisés et des progressions harmoniques souvent surprenantes, mais aussi par rapport à l’interprétation acoustique en tant que telle : la chanson « Heart & Faith », par exemple, jouée en grande partie sur une seule corde.

Le coffre du bonhomme est impressionnant, et ça piaille beaucoup moins dans le public. Ça chante en chœur sur Lullabies, Our Greatest Times Won’t Disappear, Rooftops, I Have Been Kidnapped By Aliens Who Cut My Hair (merci David Basso pour les clips). «Je vous le dis, je sais pas pour vous, mais moi je passe un super moment. C’est cool ». Il y a en effet une super ambiance, et chacun prend son mal en patience lorsque qu’une corde se brise. «Si c’est comme d’habitude, yen a une deuxième qui devrait lâcher juste derrière ». Prophétie réalisée deux morceaux plus loin. Kepi revient une nouvelle fois sur scène pour que le duo finisse d’interpréter les morceaux restant du split. Une troisième corde de pétée plus tard, et on fait tirer en longueur le plus possible ce concert qu’on a toujours pas envie de voir s’achever.

Quand enfin, hélas, les guitares sont reposées, une queue va de suite se former devant le stand de merch, où Kepi vends même quelques-unes de ses aquarelles. Il y avait du monde, il y avait de l’ambiance et plein de belles chansons. Encore merci à Rock’n’Roll Agreement pour nous avoir proposé ce beau plateau.   **Marc Tranchant**

y a des photos ici une vidéo ici

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